2.27.2009

spéciale dédicace fr

Austeri- austerity chantait Fela. Pus rien du tout ; le calme plat. La voile pliée au bas du mât. On traque le fric, les 3 francs qui nous manquent en banque, qui nous bloquent, les 6 sous des soucis. Qu’à c’la n’tienne, on fait bloc. Pas dans la poche, mais on s’accroche. À  l’arrache on crache le cash des p’tits besoins du quotidien. Ah mbongo ! disait Bido, « si la banque était forêt, les feuilles des arbres papier-monnaie. Monnaie ! Mbongo ! Monnaie ! ».

 

Heureux va ! il y a ces douces voix. Y a Gi, Lily, Nathalie, Nikola ; Florence, Laurence, Constance qui chantent la persévérance. Des femmes défont mon arrogance, en se moquant gentiment. Des femmes ravivent la flamme avec beaucoup d’effets et de formes toutes féminines, généreuses, évidemment. Heureux va ! veinard !


Animation by Hanjin Song; music by Kim Dong Ryul; produced at Ringling School of Art and Design


a special dedication en

Austeri-austerity sung Fela. Dead end, dead calm, I’m killing time.  Sail folded down the mast; fast has passed blasted at last. Sick of seeking for mini money, broke as a joke and it ain’t funny. Okey dockey! Now we are a block, solid as a rock and we keep on rolling. Not in the bag yet, we drag ourselves, we hang on, with no regret. Harsh! We cough the cash up the everyday needs. “Ah mbongo!” said Bido? “If bank was a forest and the leaves on trees were dollar bills. Money!  Mbongo! Money!”

 

You, happy fellow, you! There are these sweet voices. Here is Gi, lily, Nathalie, Nikola; Florence, Laurence, Constance who sing perseverance. Seven women from heaven defeat my arrogance, mocking me gently. Seven women wash the shame and even rekindle the flame of the holy blaze, all with feminine manners, feminine shapes, generous ones definitely! You, happy fellow, you!


Animation by Hanjin Song; music by Kim Dong Ryul; produced at Ringling School of Art and Design

2.20.2009











too shy shy fr












Mi-février, ça fait maintenant un an que je suis au Sénégal. C’est le moment de jeter un œil derrière. Février 2008 j’atterris sur la piste de l’aéroport Léopold Sedar Senghor à Dakar, plein d’enthousiasme, heureux d’avoir atteint cette étape. J’étais satisfait de mes achats d’instruments de musique, mon crédit bancaire était confortable, je ressentais la douce euphorie que j’avais déjà éprouvé enfant, le dernier jour d’école avant les grandes vacances d’été. Rien n’était alors consommé, tout est possible. Je me souviens avoir été très troublé quand encore enfant, je vis à la télé un grand voyageur raconter que le meilleur moment de ses périples était l’attente dans l’aéroport avant de partir. Ce n’était pas la première fois que je venais dans ce pays bien sûr, mais c’était la première fois que je quittais la France pour longtemps, la première fois que j’allais m’éloigner de mes enfants pour longtemps. Mes habitudes, mes références, mes codes, mes standards, mon sens de l’humour, sont européens ou occidentaux et j’étais sur le point de les confronter à une autre réalité et de sonder leur fondation. Au début j’ai partagé la chambre de mon cousin dans un cartier ouvrier pendant presque 2 mois. Je connaissais déjà cet endroit et beaucoup de gens sur place. Les gens me voyait comme un halluciné complètement speedé qui courait les rues toute la journée d’un bureau à l’autre. « Grand, si tu te reposes pas un peu, le soleil va te tuer ! ». J’étais alors en train d’essayer de régler ma situation de résident étranger, et ça m’a pris tellement de temps que j’ai compris alors que mener le projet à bien allait être un combat sans merci. Les temps qui ont suivi n’ont pas démenti. 10 mois à Dakar ! J’avais l’impression de faire mes classes avant d’être envoyé au combat. J’ai d’abord haïe toute la ville, trop peuplée, trop polluée, trop sale, pleine de crasse et de mauvaises odeurs, avec les pires poseurs jamais rencontrés. Il y a ici beaucoup plus de voitures de luxe dans la rue qu’à Paris, de grosses bagnoles américaines presque obèses, presque des minicars, d’énormes Hummer très gourmandes en essence, roulant sur des routes épuisées, pleine de trous et de mendiants. J’étais pressé de partir ; je suis resté. J’ai vu la vie dure : le chômage à grande échelle, la corruption, la violence, les sales maladies, les mensonges de tous les jours pour obtenir un peu d’argent, j’ai vu des vols et la réponse brutale de la justice de rue. Et j’ai vu la civilisation, les valeurs fondées sur la nature, le courage, l’aide mutuelle, la grande fierté, la force mentale, la volonté, le don de soi, et une foi profonde dans la vie et les dieux. J’ai beaucoup appris et j’ai presque aimé ça.

 

Dakar a été pour moi comme un purgatoire, un mélange de 2 mondes, le Nord et le Sud qui se battent en permanence, qui se jalousent mutuellement. Ici à Ziguinchor, un nouveau chapitre a commencé. Je dois admettre que mon séjour à Dakar me sert beaucoup aujourd'hui, en ce qu’il m’aide à me fondre rapidement dans la ville. Ici l’Europe et la France sont très loin. Ici les gens n’ont pas de montre, mais ils ont le temps et j’essaie d’apprendre d’eux à ne plus courir après le temps mais à m’en faire un allié.

 

La vie m’a fait une surprise en cette période particulière d’anniversaire. 3 anciens camarades de classes que je n’ai pas revu depuis des lustres m’ont contacté séparément. Tous les trois étaient dans la même classe, la dernière de ma scolarité avant de me jeter dans le tourbillon de la vie. Bizarre ! Chacun avec son propre message. Je reçois d’abord un e-mail de la part de Lilymaya sur myspace, étrange surnom qui combine les symboles du pouvoir et de l’illusion. Lily était d’entre nous l'une des plus brillantes. Je l’aimais beaucoup bien qu’un peu impressionné et timide vis-à-vis d’elle. Elle a récemment gagné son combat contre le cancer. C’est maintenant une très belle femme, rayonnante, le même œil moqueur avec une touche générale de sérénité en plus. Photographe, elle expérimente aujourd’hui le petit bonheur quotidien, j’imagine qu’elle s’en sort plutôt bien comme d’hab. Pendant que j’étais en train de rêver que la foi dans la vie était peut-être la clef, elle l’avait déjà réalisée.

Le lendemain, un nouveau message sur myspace cette fois de la part de Christian, une des figures de la classe, il était joyeux et communicatif. J’ai été très heureux de reconnaître la pureté de son sourire, il n’a pas beaucoup changé, a gardé toute la fraîcheur de sa jeunesse et semble heureux dans son travail. Il est maintenant animateur à Radio France, il vit à la Réunion, mais lui aussi à la croisée des chemins de sa vie, il a de nouveaux projets et un nouvel amour.

La dernière et non la moindre, Nathalie m’a écrit hier soir, et j’en éprouve encore beaucoup d’émotions, elle était l’amour de mon adolescence. Elle était très jolie ; elle adressait toujours son sourire timide à tout le monde, quelqu’un de bien. Je me souviens l’avoir invité à voir un film au cinéma. J’étais tellement heureux après son oui que j’étais presque en lévitation. Nous avions passé un merveilleux moment tous les deux sur les champs Elysées, mais j’étais trop timide pour aller plus loin. Passionnée et intense cette relation demeura platonique, l’histoire de ma vie. J’ai reçu un autre e-mail d’elle ce soir, où elle me dit qu’elle éprouvait les mêmes sentiments pour moi, too shy shy, hush hush, eye to eye disait le tube à l’époque. Elle a maintenant deux enfants de 15 et 19 ans et travail dans la fonction publique dans le sud de la France. Mais la chose la plus mystérieuse est qu’elle ne soit connectée à l’Internet que depuis peu, et le premier jour où elle surfe est le jour où je créais ce blog… Bizarre, bizarre ! La confiance en soi et la foi dans la vie est la clef c’est sûr, message reçu. Je suis resté fidèle à ma vocation mais je dois maintenant avoir une  totale confiance en la vie en l’amour.

 

« Lorsque le mot de révolution a été prononcé trois fois devant quelqu'un et qu'il l'a bien pesé, il peut s'y fier et agir en conséquence. » a dit le Yi king.

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too shy shy en











Mid February, I’ve been in Senegal for 1 year now. It’s time for a look backward. February 2008 I landed the Leopold Sedar Senghor airport of Dakar full of enthusiasm, happy to have reached this step. I was satisfied of the instruments I have purchased, my bank credit was comfortable, I was feeling the sweet euphoria that one could have felt as a kid the last day of school before the summer break. Nothing have been consumed everything is possible. I remember to have been very confused when, still a child I saw on TV, a great traveler reporting that the best moment of his trips, was in the airport, before leaving. Of course it wasn’t my first time in this country, but it was the first time that I was leaving France for long. First time I was going away from my children for long. My codes and standards, my sense of humor, my habits, and my references are European or Occidental and I was on the verge of confronting them until their foundations. First I shared my cousin’s room in a working class area, during almost 2 months. I knew this zone already, and a lot of people there. They looked at me as a lunatic walking all day long from one office to another. “Man, if you don’t rest a bit, the sun will kill you!”. I was trying then to fix my resident situation, and it took so long that I understood the whole project was going to be a hell of a battle. The following times haven’t denied. 10 months in Dakar!  I felt like a soldier doing his training before to be sent to the battlefield. I first hated the whole city, over crowded, over polluted, full of dirt, filth and bad smell, with the most arrogant posers I’ve ever seen. There are much more luxury cars than in Paris, big American cars, almost buses, gigantic Hummers fond of gasoline, driven on tired roads full of holes and beggars. I was eager to leave; I stayed. I saw tough life: unemployment on a great scale, corruption, violence, bad diseases, everyday lies to get a little money, I saw robberies and the brutal justice of the street respond. And I saw civilization, values based on nature, courage, mutual aid, great pride, mental strength, will, self-sacrifice, and deep faith in life and in gods. I learned a lot and I almost liked it.

 

Dakar was for me like a purgatory, a blend of the northern and the southern world permanently fighting each other, eternally envying each other. Here in Ziguinchore, a new chapter has begun. I must admit that the time I’ve spent in Dakar is very useful now, as it actually helps me to quickly blend myself in the town. Here Europe and France are really far away. Here people have no watch but they have plenty of time, and I try to learn from them to stop running behind time, but to make an ally of it.

 

Life made me a surprise this very particular week of anniversary. 3 former schoolmates I haven’t seen for ages have contacted me separately. The 3 of them were in the same class, the last class I attended before I threw myself in the turmoil of life. Weird! Each one has its own message. First I received an e-mail from Lilymaya on myspace, strange nickname that brings together the symbols of power and illusion. Lily was one of the smartest between all of us. I liked her very much although I was a bit impressed and shy to her. She recently has won her struggle against cancer. She’s now a gorgeous and radiant woman, the same mocking eye plus an overall aspect of serenity. Photographer, she’s now experiencing the everyday happiness, I guess she’s good as usual. While I was dreaming that faith in life was the key, she’s done it.

The day after, a new message from Christian on myspace, one of the figures of the class, he was joyful and communicative. I was very glad to recognize the same pure smile, he’s not changed very much, and he’s kept the freshness of his youth and seems happy with his job. He’s now a DJ for Radio France, he’s living on the Reunion island, but he’s now at the crossroad of his life, has new projects, and a new love.

Last but not least Nathalie has wrote to me yesterday. I have chills just to write down her name, that was the love of my adolescence. She was very pretty; she was always addressing her shy smile to everyone, a very nice person. I remember when I invited her to see a movie. I was so happy after her yes; I almost levitated. We spent a wonderful day the two of us on the Champs Elysées, but I was too shy to go further. It was passionate and intense but it remained platonic, the story of my life. Another e-mail from her tonight where she says that she had the same feelings toward me... too shy shy, hush hush, eye to eye, said the hit single at that time. She has now two children of 15 and 19 years old and she’s living in the south of France.

But the most mysterious thing is that she’s connected on the Internet only for a few days, and the first day she was starting to surf, was the day I created this blog… Weird, so weird! Self-confidence and faith in life is sure the key, I get the message. I remained loyal to my vocation but I must now be plainly faithful to life and to love.

 

“ When talk of change has come to one's ears three times, and has been pondered well, he may believe and acquiesce in it. Then he will meet with belief and will accomplish something.”  Said the I ching.

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2.13.2009

Gomis, the toobab ndiago en















96° in the shade. The nights and the mornings remain cool, but day-by-day the heat is gaining ground. At around 2 o’clock pm, the sun is weighing down the town. All donkeys, dogs, goats, cats and cows are sitting under some shelter, panting for breath. People walk slowly, the best way to avoid over perspiration. Cars are rare, music is low, even children play more silently.

I very much like this moment, to go down, cross the Gao place and a couple of the streets of Boucotte until Binta’s restaurant. She’s a plump generous mama, the mother of all her numerous guests, she knows everybody’s name, mine included. She sells good and cheap Senegalese dishes and offers her hearty and tender smile. The meals are quiet; the rumors of the much elevated TV set unifies the small room. Slow motion. Time is floating by.

But in the early morning, you can still see people with anoraks, walking barefoot in flip-flops. A contrastive and almost absurd vision, below 70° they‘re freezing down here. I have begun to walk a bit more in town. It’s a small place here, I’m not so new any more, and it’s starting to be very enjoyable. Of course, there are still some areas where some children call out to me: “hey, toobab!” “Hey, whitey!” And of course, it’s not amusing when you come from an occidental country, where long years of uneasiness and embarrassment have tabooed these evocations, but it always comes from children who ignore this mess. White people are not so frequent down here, and when one is seen in the street it’s like he has just popped out of the TV screen. I don’t care to be seen as a black man by somebody and to be called whitey by some others, I’m neither black nor white, I’m both, and I’d be Asian, Arabian, or whatever as well, if life would be long enough… “Yeah! What’s the matter?” Silence… One little boy overcoming his apprehensions, without saying a word is crossing the sandy lane reaching out his hand to shake mine, imitated soon by his pals. Just to touch, touché!

 

Back in my neighborhood, I know now some faces, names and first names. People are still very careful about privacy, and they put their honor not to be distracted by my come and go, which I very much appreciate. The contacts are much warmer than in Dakar, people are welcoming and considerate as well. “My name is Patrice Gomis”. “Ah! Ok! you’re a Ndiago! (name of the Manjakos in Wolof). My name here is acting like a key, or rather a bridge for them, besides, everybody in the neighborhood seems to have forgotten my first name: “Hey Gomis! How you doing?” “Just peace, Gomis!” “Jam rek!” Just peace, days come and go, I’m still, in one of the best place to wait, to rest, and learn.

Internet makes you feel at home anywhere, I can see and talk to my children, Gaspard and Alsène, and to Constance their mother very often. It’s not just phone calls, we exchange, photos, videos, music, we laugh a lot, and It’s so easy that Constance can even call me to scold one of them, so far away so close. Furthermore, Internet provides a huge library, a fantastic and gigantic tree of knowledge with all its dangerous fruits. It can bring you up to the sky around planet earth, and within the red little house I’ve reached the outer space many times.

 

I’ve talked to Pascal lately, goods are being sold little by little, money is slowly coming. Good! No hurry! I accept the stage; I’m checking tempos through listening to flows, under the weigh of the sun. “Stay still, keep your mouth shut! Don’t ever forget you’re a stranger,” the I Ching said. Here I’m not brown, I’m red, like the little house. I’m a toobab Ndiago.

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Gomis, toubab ndiago fr














35° à l’ombre. Les nuits et les matins restent frais, mais jour après jours, la chaleur gagne du terrain. Autour de 14h00, le soleil pèse sur la ville. Tous les ânes, les vaches, les chiens, les chats, et les chèvres sont assis sous quelques abris improvisés le corps remué par le souffle haletant. Les gens marchent lentement, le meilleur moyen pour éviter de dégouliner de sueur. Les voitures sont rares, la musique est basse, même les enfants jouent plus calmement.

J’aime beaucoup cet instant pour descendre et traverser la place de Gao et quelques rues de Boucotte, jusqu’au restaurant de Binta. C’est une « mama » généreusement dodue, la mère de ses nombreux habitués, elle connaît le nom de tous le monde, le miens inclus. Elle vend de bon plats sénégalais, copieux et peu cher, et offre son sourire tendre et désintéressé. Les repas sont silencieux ; les rumeurs de la télé très haut surélevée, unifient la petite pièce. Ra-len-ti. Le temps flotte.

Mais plus tôt le matin, on peut encore voir des gens en anorak marchant pieds nus dans des sandales. Vision burlesque et pleine de contraste, ici en dessous de 20° les gens gèlent. J’ai commencé à me déplacer un peu plus dans la ville. C’est un endroit assez petit ici, je ne suis plus aussi nouveau, et ça commence à devenir vraiment agréable. Bien sûr, il y a encore des coins où les enfants m’interpellent : « Hey toubab ! » « Hey blanc ! » Et bien sûr, ce n’est pas très amusant quand on vient d’un pays occidental où de longues années de gène et d’embarras ont rendu ces évocations taboues, mais elles viennent toujours de la part d’enfants qui ignorent ce gâchis. Les blancs ne sont après tout pas si nombreux ici, et quand on en voit un dans les rues, c’est un peu comme s’il sortait tout droit de la télé. Peu m’importe d’être vu comme un noir par quelques-uns et d’être appelé toubab par quelques autres, je ne suis ni noir ni blanc, je suis les deux, et je pourrais être Asiatique, Arabe ou ce qu’on voudrait si la vie était assez longue… « Ouais ! qu’est ce qu’il y a ? » Silence… Un petit garçon surmontant sa crainte, traverse sans dire un mot, le chemin sablonneux, la main tendue pour serrer la mienne, imités bientôt par ses copains. Juste pour toucher, touché !

 

De retour dans mon quartier, je connais maintenant des visages, des noms et des prénoms. Les gens sont toujours respectueux de mon intimité, et ils mettent un point d’honneur à ne pas se laisser distraire par mes allées et venues, ce que j’apprécie énormément. Les contacts sont beaucoup plus chaleureux qu’à Dakar, les gens sont à la fois accueillants et prévenants. « Je m’appelle Patrice Gomis »

_ Ah ! Ok ! t’es Ndiago ! (nom des Manjaks en Wolof). Mon nom ici agit un peu comme une clé, ou plutôt comme un pont pour eux, d’ailleurs la plupart semblent avoir oublié mon prénom : «Hey Gomis ! Comment ça va ? » « La paix seulement Gomis ! », « diama rek ! » La paix seulement, les jours viennent et passent, je suis calme, dans un des meilleurs endroits pour attendre, se reposer, et apprendre.

Grâce à l’Internet, je me sens chez moi n’importe où. Je peux voir entendre et parler à mes enfants Gaspard et Alsène et à leur mère Constance très souvent. Ce sont beaucoup plus que de simples coups de fil, nous échangeons des images, photos, vidéos, musiques, nous rions beaucoup, et c’est si facile qu’il peut arriver à Constance de m’appeler pour gronder l’un d’eux. Si loin, si proche. De plus, internet est comme une immense bibliothèque, un fantastique arbre de la connaissance géant avec ses fruits dangereux. Il peut m’emporter dans le ciel à la place d’un satellite autour de la Terre, et dans la petite maison rouge, j’ai déjà atteint le cosmos tant de fois.

 

J’ai parlé à Pascal récemment, les marchandises se vendent peu à peu, l’argent arrive doucement. Bien ! On n’est pas pressé ! j’accepte l’étape ; je vérifie les tempos en écoutant les flux, sous le poids du soleil. « Reste tranquille, ne te mêle pas des discussions ! N’oublie jamais que tu es un étranger » a dit le Yi king. Ici je ne suis pas marron, je suis rouge, comme la petite maison. Je suis un toubab Ndiago.

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2.06.2009

miss Willis fr











Retour à bord du beau bateau, cap sur Ziguinchor. Après quelques jours de confort et de luxe relatif à Dakar, je terminais cet épisode urbain par une assez glamoureuse et conclusive croisière. Je suis resté longtemps hypnotisé sur le pont supérieur, à fixer les dernières lueurs déclinantes de Dakar dans la fraîche nuit naissante, lentement avalées par la mer sombre. Sorti de ma torpeur, j’ai regardé les autres passagers. Beaucoup d’Européens : allemands, espagnols, hollandais, britanniques, français, presque la moitié de la population à bord, la saison bat son plein.

Le vent plutôt froid dans la nuit avancée m’a poussé vers le pont abrité du niveau inférieur. Je reconnus la silhouette d’une jeune femme française que j’avais déjà vue sur ce bateau. En fait c’était la troisième fois ; nous avions déjà échangé quelques mots rapides. Nous étions seuls sur ce pont inférieur, et il aurait été vraiment stupide de ne pas engager la conversation, même si je n’étais pas d’humeur à parler. Son regard bleu filtré par de fines lunettes était pénétrant et direct. Physique agréable, sans être sophistiqué, mais tout en elle, de la pointe de sa queue-de-cheval blonde, jusqu’aux ongles non peints de ses mains élégantes, respirait la finesse et la délicatesse. Même si j’étais réticent de prime abord, je finis par me complaire dans cette conversation. Elle est au Sénégal depuis 2006, partage son temps entre Dakar et Zig en travaillant pour une ONG qui s’occupe entre autres de micro-crédit. Très souvent en voyage, toujours en bateau, on lui a un temps donné le surnom « Miss Willis», nom du précédent bateau qui faisait la traversée. Un de ces tours chimiques de mon cerveau moqueur a fait contre mon gré, de ce lieu commun, un moment agréable et presque familier. Nous sommes entrés à l’intérieur, voir si l’on y jouait un film, nous avons parlé encore un peu jusqu’à ce qu’elle me délivre de ce sort. Ouf ! merci ! je suis pas prêt pour ça maintenant. Mais prêt pourquoi ? Ne sois pas stupide, il n’y a rien du tout, tu ne la connais même pas ! elle est sympa c’est tout.

Le lendemain matin, de retour sur le pont supérieur, complètement enveloppé par le vent chaud de Casamance, j’en reconnus l’odeur, et aussi bizarre que cela puisse paraître, je me suis senti chez moi. J’en fus surpris, et je m’efforçais de prendre de la distance. Avais-je raison ? Je détournais la tête et aperçu Miss Willis qui lisait à tribord. Juste à cet instant, elle posa son livre laissé ouvert sur ses genoux, leva la tête et regarda vers moi en me lançant un sourire élégant. J’ai alors traversé le pont pour aller m’asseoir à côté d’elle. Nous n’avons pas beaucoup parlé cette fois, mais j’avais toujours ce même sentiment de familiarité. Combinée avec l’odeur reconnue, la sensation d’être chez moi devint plus forte. Zig est là ! salut ! à bientôt ! Je m’extirpe de la petite foule exigeante à la sortie du port, pour sauter dans un taxi, direction la petite maison rouge.

Les voisins m’ont accueilli avec chaleur et discrétion. Ils ont envoyé une petite fille qui m’a apporté un délicieux tiepoudien (riz, poisson et légumes). Je suis à la maison, je me sens bien, seul, sans aucun confort, je suis heureux.

Mon téléphone glisse sur la natte, en vibrant et grognant péniblement. Mauvaise nouvelle, le budget pour le transport du matos est sous-évalué. Nous devons attendre la vente des marchandises apportées récemment par Pascal. Attendre encore. Je m’y suis préparé. En d’autres temps, cette nouvelle m’aurait salement affecté, mais quelque chose a changé, J’ai pu l’avoir ressenti sans en avoir été conscient. Ce coup de téléphone m’a fait réalisé combien ma foi était devenue profonde. Dois-je arrêter d’écrire ce blog en attendant l’arrivée du matériel ? Non ! Je dois continuer. De nos jours, on ne nous montre que des gens qui ont déjà réussi. C’est simple, la vie est faite pour les gagnants ! Mais une crise majeure est en cours pour nous aider à réajuster nos préjugés. La vie est probablement dure pour tout le monde, du magnat au mendiant ; il nous en coûte beaucoup pour réaliser nos rêves et donner du sens à nos vies. Je ne suis pas dans une position très confortable ; je dois me faire discret autant que possible. Miss Willis m’a approché et m’a gentiment envoyé des contacts intéressants, mais je dois encore attendre quelque temps même pour aller la voir. Mon cerveau avec ses fameux tours me pousse à l’appeler, mais une voix faible et lointaine me chuchote de rester tranquille et d’attendre. Je suis donc seul, et silencieux, comme si je me préparais au combat. Je me remplis de sensations naturelles pour les recycler en musique et en mots. De grandes marches, Je m’intoxique et m’enivre de nature en suivant mes sens. Miss Willis va rentrer demain à Dakar, et je ne sais pas si je la reverrai un jour. J’aimerais bien.






miss Willis en





Back on board of the big boat sailing again to Ziguinchor. After a few days of comfort and relative luxury in Dakar, I was ending this urban episode with a somewhat glamorous conclusive cruise. I stayed a long time hypnotized on the upper deck, staring at the last fading lights of Dakar in this fresh beginning night, slowly swallowed by the dark sea. Out of my torpor, I looked at the others passengers. Many Europeans: German people, Spanish, Dutch, British, French, almost half of the people on board, the high season in full swing.

The rather cold wind in the advanced night pushed me down to the sheltered deck. I recognized there, the silhouette of a young French woman I’ve already met on this ship. Actually it was the third time; we had already exchanged a few words. We were alone, on this lower deck, and it would have been stupid to not engage conversation, even if I wasn’t in the mood to talk. Her blue stare filtered by thin glasses is sharp and direct. Good looking, not sophisticated, but everything on her, from the point of her blond ponytail to the unpainted nails of her gracious hands was breathing fineness and delicacy. Even if I started reluctantly I finally indulged in this conversation. She is in Senegal since 2006, sharing her time between Dakar and Zig, working for a micro credit NGO. Always  traveling by boat she once received the nick name “Miss Willis”, the name of the former ship that made the crossing before. One of these chemical tricks of my mocking brain, made against my wishes, a very comfortable and almost familiar moment of this common place. We entered to see if a movie was on, we talked a bit more, and she freed me from this spell. Phew! Thanks! I’m not ready for this now. But ready for what? Don’t be stupid, there’s nothing, you don’t even know her, she’s nice that’s all.

The following morning, back on the upper deck, all warped in the warm wind of Casamance, I could identify the smell, and as bizarre as it may seem I felt I was home. That surprised me, and I forced myself to take some distance. Was I right? I turned my head to starboard, and then I saw “Miss Willis” reading. Just at this moment she put the book left opened on her lap, raised her head and looked toward me with a smart smile. I crossed the deck and sat beside her. We didn’t talk much this time, but with the same feeling of familiarity. In combination with the known smell the sensation of being home became stronger. Zig is there! Bye-bye! See you soon! I dragged myself out of the demanding crowd and I jumped in a cab to the red little house. The neighbors have welcomed me with warmth and discretion; they’ve sent a child that brought me an excellent “tiepudien” (rice, fish and vegetables). I’m home, I feel good, alone, with no comfort, I’m happy.

 My phone is sliding on the braid, vibrating and snorting unpleasantly. Bad news, equipment transfer budget, under evaluated. We have to wait for the selling of goods Pascal lately brought. Waiting again. I am ready for this. I’ve prepared myself. In someListe numérotée other time, this news would have affected me badly, but something has changed, I could have felt it without being aware of it. This phone call made me realize how deep my faith has become. Should I stop to write this blog until the equipment arrival? No! I have to continue. These days, we only show people who have succeeded already. It’s simple, life is for winners! But a major crisis is going on to help us to reappraise our prejudices. Life is probably harsh for everybody, from the tycoon to the tramp; it costs a lot to fulfill our dreams and to make a sense of our lives. I’m not in a very comfortable position; I have to be discreet as much as possible. Miss Willis has emailed me and she’s gently sent me some good contacts, but I have to wait sometime, even to see her. My brain with its tricks urges me to call her, but a very distant and week voice whispers me to wait and stay still. So I’m alone, and quite, it’s like I’m preparing myself to fight. I’m filling up myself with nature sensations to recycle them into music and words. Great walks, I intoxicate myself with nature following my senses. Miss Willis will go back to Dakar tomorrow, and I don’t know if I will see her again. I’d like to.

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2.01.2009

the Dakar summit

 

hard work!